Au profit de la Croix-Rouge française. Joueur de flûte, sculpture d'ivoire au musée de Dieppe (Seine-Maritime).
Timbre : IVOIRE - MUSÉE DE DIEPPE : Substance osseuse constitutive des défenses de certains mammifères comme le mammouth préhistorique, l'hippopotame, le morse, le rhinocéros et l'éléphant, l'ivoire doit à la finesse de son grain et à sa dureté de pouvoir rivaliser avec les métaux précieux. S'il n'était pas encore en mesure de faire une telle comparaison, l'homme du paléolithique supérieur appréciait cependant l'ivoire en tant que symbole de sa supériorité sur des animaux redoutables par leur force ou leur taille et lui attribuait une signification quasi magique. Ainsi, les ivoires préhistoriques parvenus jusqu'à nous -certains datent de la période aurignacienne, soit 20 000 ans avant notre ère -doivent-ils être considérés surtout comme des talismans, les sujets représentés le plus fréquemment, scènes de chasse ou femmes fécondes aux hanches larges, indiquant assez que se nourrir et se survivre étaient bien évidemment les préoccupations essentielles de nos lointains ancêtres. Beaucoup plus tard, les bouleversements climatiques ayant entraîné la migration de certaines espèces animales, c'est dans le bassin oriental de la Méditerranée que réapparaît l'art de la sculpture de l'ivoire_ A cet égard, l'Égypte occupe une place éminente et les œuvres réalisées dans ce pays entre les VIII· et IV· siècles avant J.-c. témoignent d'une civilisation raffinée qui influence fortement les arts mésopotamien, phénicien et égéen. Les Grecs -d'après la tradition, ils auraient découvert les défenses d'éléphant au cours de l'expédition troyenne -font preuve d'originalité en mettant au point la technique « chryséléphantine ", qui consiste à associer l'ivoire à l'or pour réaliser des œuvres colossales telles que l'Athena Parthenos et le Zeus d'Olympie, tous deux exécutés par Phidias_ Les Romains au contraire se contentent de statuettes et de petits objets comme les « pyxides ", sortes de gobelets à couvercles dans lesquels les dames enferment leurs bijoux. L' Amérique et l'Asie connaissent également en ce domaine des courants artistiques extrêmement féconds, mais c'est Byzance qui assure la véritable transition entre Rome et la chrétienté; l'art byzantin utilise en effet l'ivoire à profusion, au point que, dans la seule église Sainte-Soprue, à Constantinople, 365 portes en sont décorées. Dans le monde occidental, c'est surtout après la Renaissance carolingienne que commence la vogue de l'ivoire : objets de toilette, coffrets, évangéliaires sont alors appréciés dans les châteaux tandis que crosses épiscopales, châsses, diptyques et polyptyques retraçant l'enfance du Christ ou la vie de la Vierge se font nombreux dans les églises. Bientôt, la suprématie des ivoiriers français s'affirme et Paris devient le centre le plus important pour la production des objets en ivoire. Cette primauté parisienne dure jusqu'au XVe siècle, époque à laquelle apparaissent un peu partout en Europe des écoles régionales dont l'implantation est souvent fonction des facilités d'approvisionnement en matière première. Ainsi est née, semble-t-il, la vocation des ivoiriers dieppois; des documents datés de 1665 -et malheureusement détruits par la suite -signalaient en effet l'existence de comptoirs fondés par des marins de la région dès la seconde moitié du XIV· siècle et d'anciennes cartes d'Amérique mentionnent effectivement un établissement dénommé « Petit Dieppe" sur les côtes de la Guinée. Quoi qu'il en soit, une chose est sûre: très tôt, la majeure partie de l'ivoire traité en France a transité par Dieppe où peu à peu s'est développée une industrie locale dont le renom n'a cessé de grandir au point d'attirer des acheteurs venus d'Angleterre, des Pays-Bas, d'Allemagne et même de Russie. Sans doute éditée au XVIII· siècle qu'il faut situer l'apogée de l'ivoirerie dieppoise : les artisans peuplent alors par centaines les ateliers de la ville et sont passés maîtres dans leur art; les objets qu'ils produisent -coffrets, éventails, tabatières, navettes, étuis, crucifix, médaillons, etc. -attestent une sûreté de goût et une virtuosité technique dont il est aisé de se rendre compte grâce à des sujets comme les deux statuettes anonymes le Violoneux et le Joueur de flûte aujourd'hui célébrées par le timbre. Amorcé au XIX· siècle avec l'avènement de l'ère industrielle, aggravé par la suite avec l'apparition des matières synthétiques, le déclin de l'ivoirerie n'est. pas douteux et, qui plus est, le mouvement semble bien irréversible compte tenu de l'évolution des civilisations modernes. Peut-être est-ce une raison supplémentaire pour rendre hommage à ceux qui n'avaient besoin que de râpes, de gouges, de burins et de ciseaux pour enfanter de véritables chefs-d' œuvre.
Année : 1967
Yvert & Tellier n° 1540
Categorie : Timbres poste
Famille : sculptures / statues
Graveur : Pierre Gandon
Dessinateur : Pierre Gandon
Valeur neuf MNH ** : 0.15 €
Valeur oblitéré : 0.15 €